• La longue traque des migrants clandestins au Maroc

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    Le dispositif mis en place aux frontières de l'Europe pour combattre l'immigration clandestine transforme nombre de pays limitrophes en vastes zones de rétention. Reportage au Maroc, où quelque dix mille migrants et réfugiés politiques africains sont ainsi bloqués sur le chemin de l'Espagne. Conduits à se fixer dans les grandes villes, victimes de violences de plus en plus graves, ces exilés sont les otages d'un marchandage entre Rabat et l'Union européenne.


    Quelques chrétiens se recueillent devant un autel improvisé, un carton de téléviseur recouvert de papier brillant, d'une croix et de bouquets de fleurs sauvages. Plus loin, des pierres disposées à même le sol signalent la direction de La Mecque. A Oujda, dans un coin retiré du campus universitaire, les migrants subsahariens coincés dans cette ville frontalière du nord-est du Maroc ont grand besoin de prier pour continuer à croire à leur destin. « Nous sommes dans la main de Dieu », disent-ils.

    A l'intérieur de ce camp de rétention informel, trois cents à quatre cents personnes survivent grâce à l'aide d'associations locales et de Médecins sans frontières (MSF), à la solidarité des femmes du quartier et aux maigres revenus tirés de la mendicité, de petits boulots et de trafics divers. Elles dorment sous des bâches en plastique pendues aux arbres fluets et aux murs du campus. Mal vêtues, mal nourries, elles sont exposées aux rafles policières et à la loi des mafias qui régissent le camp.
    Les occupants sont pour la plupart originaires du Nigeria, du Cameroun, de Guinée, du Sénégal, du Mali, de Côte d'Ivoire, de République démocratique du Congo (RDC). Quelques rescapés du Darfour échouent ici de temps en temps. Agés de 18 à 30 ans, ils vivent regroupés par communautés, francophones d'un côté, anglophones de l'autre. La majorité a un niveau d'éducation dépassant le secondaire et un métier. Dans leur vie antérieure, ils étaient artisans, commerçants, ouvriers, fonctionnaires, agriculteurs, médecins ou ingénieurs.

    Pour ces Africains partis « chercher la vie » en Europe, la région d'Oujda a longtemps représenté une ultime étape avant de passer « de l'autre côté de la Terre », moins violent et tellement plus riche. La plupart s'en allaient traverser le détroit de Gibraltar. Puis, ils ont visé l'entrée dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, survivances singulières d'une époque, celle de la colonisation, où les flux de population transméditerranéens se faisaient dans le sens nord-sud.

    Mais, lors du Conseil européen de Séville (juin 2002), plusieurs Etats européens emmenés par l'Espagne de M. José María Aznar ont menacé de bloquer les aides financières aux pays de départ et de transit qui ne les aideraient pas à combattre les clandestins. Objectif : créer un cordon sanitaire autour de l'Union européenne en sous-traitant aux pays voisins la rétention des migrants et demandeurs d'asile... ainsi que les violations des droits de la personne qui vont de pair.

    Directement visé, le Maroc prend acte de cette nouvelle conditionnalité de l'aide. Il a beaucoup à perdre puisqu'il est le premier bénéficiaire, à hauteur de 20 %, des fonds européens destinés aux pays méditerranéens (programme MEDA). Au total, l'Union européenne accorde au royaume 150 millions d'euros d'aides par an, sans compter les prêts.

    En novembre 2003, Rabat promulgue la loi 02-03 sur les migrations irrégulières. Inspiré du droit français, ce texte privilégie la dimension répressive, même s'il protège du refoulement les réfugiés politiques, les femmes enceintes et les mineurs. Côté opérationnel, Rabat opte pour la création d'une direction chargée de la migration et de la surveillance des frontières au sein du ministère de l'intérieur, dotée d'une dizaine de milliers d'hommes.

    A partir de 2004, l'Union européenne et son allié marocain bouclent la route de Gibraltar. A la suite de sanglants assauts à l'automne 2005, les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla sont également transformées en forteresses quasi imprenables et les forêts environnantes ratissées par les forces marocaines. Les routes de la migration se détournent alors vers le sud. Aux pateras, embarcations de vingt à quarante personnes qui visaient les rivages andalous, succèdent des cayucos de plus de cent places, qui s'élancent vers les îles Canaries depuis les plages du Sahara occidental.

    Puis, en 2006, des dizaines de milliers de migrants tentent le voyage en partant de Nouadhibou (Mauritanie), Dakar ou Saint-Louis (Sénégal). La traversée est plus longue et plus dangereuse – un passager sur six serait mort noyé l'an dernier, selon les autorités espagnoles. Mais elle est moins coûteuse : 500 euros environ, contre de 1 000 à 1 300 euros via El-Ayoun (Sahara occidental).

    Néanmoins, la route marocaine n'a pas été abandonnée. Elle a même repris de la vigueur en 2007 après une pause liée au drame de Ceuta et Melilla, explique M. Jelloul Arraj, de la cellule assistance migrants mise en place par deux associations locales. Depuis quelques mois, des nouveaux venus d'Algérie arrivent chaque nuit à Oujda. Ils s'y mêlent à d'autres migrants qui ont été brutalement arrêtés dans leur course vers l'Europe. « Chaque semaine, il y a un ou deux refoulements », témoigne M. Arraj. Les migrants concernés ont été arraisonnés en mer, repêchés après un naufrage ou simplement raflés par la police, à Oujda et dans le reste du royaume. Personne n'est épargné, ni les femmes enceintes, ni les enfants, ni les réfugiés ou demandeurs d'asile. En pleine nuit, tout le monde est reconduit à la frontière algérienne située à 13 kilomètres.

    La plupart reviennent aussitôt côté marocain. Au passage, ils sont dépouillés par des militaires (algériens et marocains), des bandes de voyous des quartiers pauvres d'Oujda ou des pillards nigérians. De nombreux cas de viols ont été constatés par les organisations non gouvernementales (ONG). Les gangs opèrent par ailleurs des séquestrations de personnes, avec demande de rançon à la famille restée au pays.

    Et puis, à Oujda, il y a les anciens, ceux qui sont bloqués au Maroc depuis des années, et qui attendent. Comme Alphonse, 34 ans, qui a quitté la RDC en août 2002. « J'étais en dernière année d'agronomie à Kinshasa, raconte-t-il. Je militais contre [Joseph] Kabila. Mes amis ont été arrêtés. J'ai appris que j'étais recherché et j'ai traversé le fleuve pour Brazzaville. Je ne suis même pas repassé chez moi dire au revoir à ma petite fille ni prendre mes affaires. A l'époque, l'idée d'aller en Europe ne m'effleurait même pas. »

    « Nous ne pouvons pas revenir chez nous les bras ballants après avoir laissé filer tout notre capital »

    Depuis trois ans, Alphonse patiente. Après quelques aventures qui l'ont conduit, d'un « plan » à l'autre, du Nigeria à l'Algérie, il a établi sa base à Oujda, même s'il repart quelquefois en forêt tenter le passage par les enclaves, ou en Algérie pour travailler. Il rapporte avoir vécu plus de trente refoulements, dont deux après avoir réussi à entrer à Melilla : « On te prend tout, ton portable, ton argent. Puis on te jette comme ça dans le désert ; ça, c'est l'humiliation de la peau noire. » Aujourd'hui, il aide des étudiants marocains qui suivent un cursus scientifique, corrige, saisit et édite leurs mémoires de fin d'année.

    Alphonse continue à militer pour une autre RDC via Internet, mais aussi pour les droits des migrants au Maroc. « Ici, nous vivons dans la terreur. Moi, je suis devenu insomniaque. Je m'attends toujours à une descente de police. On nous vole, on nous tape, on nous enferme à huit cents dans une pièce où on ne peut pas respirer. Tout ce que je demande, c'est le droit d'avoir des droits. »
    Très populaire dans le quartier de l'université, Gustave a établi son « bureau » dans un cybercafé. Il joue aussi le rôle d'intermédiaire pour les ONG, qui n'arrivent plus à sécuriser la distribution de l'aide humanitaire aux migrants. « Je me bats pour que tout le monde soit servi à égalité, dit-il. Il y a parmi nous des leaders négatifs qui visent les poches des autres. Hier, j'ai été giflé par l'un d'eux, mais ça ne veut pas dire que je vais me fatiguer. »

    En ce début de printemps, l'ambiance sur le campus est plus que tendue. La saison des passages (avril-septembre) approchant, les affaires reprennent. Deux chairmen (présidents) nigérians s'affrontent pour contrôler la place. « Il y a quelques années, les leaders étaient des intellectuels. On a eu un prof d'économie, un pédiatre. Ils géraient le campement en sages, témoigne un humanitaire. Mais, plus les années passent, plus les gens sont désespérés, et plus le régime se durcit. Maintenant, ceux qui s'imposent sont les plus violents. » Une petite minorité d'hommes gèrent les filières, rackettent les plus faibles et terrorisent les récalcitrants. Ils servent également de base arrière aux bandes de pillards qui écument la zone frontalière. On comprend pourquoi plusieurs centaines de migrants préfèrent éviter le campus et se cacher, aux alentours, dans des fermes abandonnées et des abris de fortune dans les bois.

    Ali est de ceux-là. « Je suis venu ici pour me reposer, dit ce jeune Gambien de 24 ans qui s'exprime dans un anglais parfait. Je suis fatigué et je réfléchis. J'ai quitté mon pays le 15 juillet 2005. Jusqu'en 2004, tout allait bien. Mon oncle me payait mes études d'économie à l'université de Banjul. Puis il est mort et, comme personne ne pouvait m'aider, j'ai dû abandonner la fac. J'ai travaillé un peu dans une entreprise de transfert d'argent mais, au bout de deux mois, le bureau a fermé. Avec l'argent que j'avais gagné, j'ai fait une formation en informatique parce que j'aime trop les études. Je voulais continuer. Un ami m'a dit qu'en Europe ce serait possible. Je n'avais qu'à partir avec lui. »

    Seydou a rassemblé 500 euros, qui l'ont mené au Maroc, via le Sénégal, le Mali et l'Algérie. « J'ai participé à l'attaque massive du grillage de Melilla à l'automne 2005, poursuit-il. Mais j'ai reçu une balle en plastique dans le genou. Les Espagnols m'ont capturé et renvoyé au Maroc. J'ai été refoulé sur Oujda avant de repasser du côté algérien, à Maghnia. Il fallait que je reste immobile à cause de mon genou. Comme je parle bien l'arabe, des Algériens m'ont aidé. Des islamistes m'ont emmené et hébergé à Alger, où je suis resté pendant trois mois. Mais ces gens-là sont surveillés par la police. Un jour, j'ai été arrêté, puis relâché. Un islamiste m'a donné 100 euros et m'a demandé de partir. Je suis revenu dans les forêts du Maroc. »

    « Avec quatre autres gars, on a réattaqué le grillage de Melilla. Il y en a deux qui sont passés, mais moi j'ai été attrapé et encore refoulé à la frontière algérienne du côté d'Oujda en décembre 2006. Avec mon genou qui est abîmé, je dois renoncer à attaquer le grillage. Il faut que je trouve de l'argent pour tenter le passage autrement. Je ne vois pas de place pour moi en Afrique. » « Nous ne pouvons pas rentrer chez nous bras ballants après avoir laissé filer tout notre capital, renchérit l'un de ses compagnons, un jeune Camerounais de 22 ans. Moi, je vais rester là jusqu'à trouver ma solution. »

    Si la route d'Oujda a de nouveau une certaine cote, c'est que des filières inédites se sont développées. En réalité, pour les migrants, tout est question de moyens. Pour passer, il faut avoir de l'argent d'abord, de la chance ensuite. L'attaque du grillage des enclaves espagnoles, souvent vouée à l'échec, n'est que la voie des pauvres. Pour ceux qui disposent de 1 000 euros, la nouvelle route du Rif (depuis les côtes nord-est du Maroc jusqu'à la zone d'Almería, en Espagne) peut les valoir, s'ils tombent sur un passeur honnête et une mer clémente.

    Pour le même prix, on peut aussi tenter d'entrer à Ceuta ou Melilla, caché dans une voiture ou un camion. « Ces enclaves sont des fiefs de la contrebande : drogue, cigarettes, etc. Le trafic de migrants n'en est qu'un parmi d'autres », rappelle un humanitaire. A Melilla, les migrants asiatiques arrivés via l'Afrique et le Maroc sont aujourd'hui plus nombreux que les Subsahariens. « Ils payent très cher au départ, jusqu'à 10 000 dollars par personne, et ont des filières bien structurées. »

    Mais c'est dans les villes de la côte atlantique que la plupart des personnes en transit à Oujda vont se rendre. « On observe deux grandes tendances depuis les événements de Ceuta et Melilla », explique M. Javier Gabaldón, coordinateur de MSF au Maroc. La première est la sédentarisation des migrants, la seconde la montée de l'intensité des violences dont ils sont victimes, y compris de la part des leurs : près de 30 % des violences sont imputables aux trafiquants africains, contre 35 % aux forces de sécurité marocaines et 31 % aux délinquants marocains. « Nous constatons aussi une croissance très préoccupante des cas de violences sexuelles lors des refoulements », dit-il.

    « En Algérie, quand on te rafle, tu glisses à des milliers de kilomètres »

    Près de 80 % des quelque dix mille migrants africains au Maroc sont regroupés à Rabat et, dans une moindre mesure, à Casablanca. La capitale du royaume est devenue le quartier général des filières et une étape obligée avant El-Ayoun et le départ pour les Canaries. Les Africains y vivent dans des appartements loués deux fois le prix du marché, et ils sont agressés s'ils ne payent pas. Chaque communauté a son quartier de prédilection, son chef, sa loi, ses réseaux. « Les nouveaux font vivre les anciens, explique Mme Gwenaëlle de Jacquelot, de Caritas, une ONG catholique qui gère un centre d'accueil pour les migrants. Quand on arrive dans un logement, il faut payer un “droit de ghetto” de 50 euros. » Comme les migrants n'ont pas accès à l'emploi, ils développent une économie informelle de survie.

    « Tout est très organisé et le devient de plus en plus », explique M. Pierre Tainturier, de Médecins du monde. Les chairmen encaissent des revenus importants. Ils gèrent leur groupe et les transactions de leurs « protégés » avec les connection men, ces hommes-clés qui disposent de tous les contacts nécessaires, y compris dans la police ou l'armée, pour organiser le passage.

    Pour financer l'attente et amasser de quoi partir, les autres migrants se débrouillent comme ils peuvent. Certains reçoivent de l'argent de la famille restée au pays. D'autres mendient, tiennent un étal de légumes ou de vêtements. Et puis, il y a les trafics : fausse monnaie, maisons de passe, faux papiers.

    Dans ce système de plus en plus dur, la vie est un enfer pour les plus vulnérables. A commencer par les femmes, presque toutes condamnées à se vendre pour un toit ou une pièce de 10 dirhams (moins de 1 euro). « Nous avons quitté le pays parce que ça n'allait pas, explique Françoise, une Congolaise de 29 ans arrivée en 2004. Mais nous n'avons pas voulu cette vie. A tout moment, on nous chasse, on nous jette à Oujda, on nous viole. Il faut toujours courir derrière un homme, qui te demande ton corps en échange. Après, il te donne la grossesse ou la maladie [le sida]. Dieu seul sait quand on va quitter cette misère. »

    Le parcours de Françoise est un calvaire tragiquement banal pour une femme migrante. « J'ai quitté la RDC en 2001 à cause de la situation politique. J'avais 21 ans. Mon père était militaire de Mobutu. Quand Kabila a pris le pouvoir, il a été envoyé dans le Nord à Kisangani. Un jour, les rebelles ont attaqué son camp et réquisitionné les armes. Mon père est passé de leur côté. Alors, Kabila s'est vengé. Il a envoyé ses hommes chez nous à Kinshasa. Ma mère a été violée sous mes yeux. Ma tante a été tuée. Moi, j'ai fait une crise et je me suis retrouvée paralysée d'un côté. Des voisins m'ont emmenée à l'hôpital, où j'ai passé au moins un an. En sortant, j'ai appris que ma famille était allée à Brazzaville. Ma mère avait laissé de l'argent pour moi à un ami. Je l'ai pris et je suis partie à sa recherche. »

    Françoise n'a jamais retrouvé sa famille. Elle l'a cherchée jusqu'au Cameroun, où elle a été aspirée vers le nord par les filières. « Je ne connaissais personne et j'étais obligée de continuer, dit-elle. Au Niger, un monsieur nous a entassés dans une Jeep. Il y avait des Maliens, des Nigérians et seulement deux autres femmes, dont une avec un enfant. On est partis, mais le chauffeur nous a laissés au milieu du désert. Au loin, on voyait les lumières de Djanet, en Algérie. »

    « Des hommes ni blancs ni noirs sont venus. Ils nous ont tout pris et nous ont violées, moi et les autres femmes. Je me suis mise à vomir du sang, à étouffer. Mais il fallait continuer. On est partis à pied jusqu'à Djanet, où des “frères” m'ont laissée à l'hôpital. » Françoise y rencontre une Algérienne qui prend soin d'elle. « Elle habitait à Alger et m'a fait remonter avec elle. Je faisais son ménage et l'aidais dans son salon de coiffure. Elle me payait et me traitait bien. J'ai fait une année comme ça, et j'ai décidé d'aller au Maroc. A l'époque, en 2004, le Maroc était plus sûr pour les sans-papiers. En Algérie, quand on te rafle, tu glisses à des milliers de kilomètres. »

    « En 2005, les hommes sont partis attaquer le grillage à Ceuta. Moi, je ne pouvais pas. Avec un groupe, on a choisi de contourner l'enclave de nuit par la mer. Des guides marocains te donnent des chambres à air où tu t'accroches, et eux ils nagent en tirant trois personnes reliées par des cordes. Mais mon guide a eu un coup de froid et m'a lâchée. Je suis restée cinq heures dans l'eau glacée. Un jeune Camerounais s'est noyé sous mes yeux. Finalement, des pêcheurs sont venus nous sauver au petit matin. »

    Après avoir encore passé plusieurs semaines traquée dans la forêt, Françoise a finalement suivi son groupe à Rabat. « On a marché pendant vingt jours en se cachant. Je suis arrivée ici le 24 février 2006. » Aujourd'hui, Françoise se débrouille seule, évite les hommes et les mafias. Elle loge dans un coin de la cuisine d'une femme marocaine qui lui prend 150 dirhams par mois (14 euros). Pour vivre, elle compte sur les associations, les églises et le peu d'argent que lui rapportent ses talents de coiffeuse clandestine.

    Françoise fait également partie des demandeurs d'asile reconnus par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Depuis l'ouverture de son bureau à Rabat début 2005, le HCR a enregistré en moyenne cent demandes d'asile par mois, essentiellement de Congolais (RDC) et d'Ivoiriens. Jusqu'ici, il a accordé le statut de réfugié à moins de quatre cents personnes, affichant un taux de reconnaissance de 17 %.

    Pourtant, c'est davantage à sa discrétion qu'à son statut théoriquement protecteur que Françoise doit d'avoir échappé aux coups de filet policiers. Car le Maroc, qui met en avant ses graves déficits sociaux, ne veut pas entendre parler d'instaurer un droit d'asile sur son sol, comme le lui demandent le HCR et l'Union européenne. Résultat, les réfugiés n'ont droit ni à la carte de séjour ni au permis de travail qui leur permettraient de reconstruire leur vie au Maroc, à défaut d'atteindre l'Europe. Pis, ils sont régulièrement pris dans des rafles et refoulés à la frontière algérienne, malgré la loi 02-03 et la convention de Genève censées les protéger.

    Pour M. Mohamed Kachani, juriste, il est plus que temps de rompre avec l'obsession sécuritaire et de considérer la problématique des migrations dans sa globalité. Il faut « agir au niveau des causes fondamentales », dit-il. Pour cela, le premier impératif serait de s'atteler sérieusement à sortir l'Afrique de la crise où elle s'enfonce.

    Avant de tenter la traversée vers l'eldorado européen sur des embarcations de fortune, ils brûlent leurs vaisseaux... ou plutôt leurs documents d'identité. Le photographe Thomas Chable, qui les a suivis, a aussi gravé sur la pellicule ces étranges testaments, dessinés sur les tiroirs de leur dernier hôtel à Ceuta.

    Le Monde Diplomatique - Sophie Boukhari


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  • Immigration clandestine : des cadavres abandonnés à la morge de Casablanca

    mardi 17 avril 2007.
     
    L'Association AFVIC est profondément préoccupée par la présence de 18 cadavres de Migrants subsahariens abandonnés aux morgues de Casablanca.

    La semaine passée, lors d'un accompagnement médical, l'AFVIC a été interpellée par un responsable des services de la morgue de l'hôpital IBN Rochd ; en effet 9 personnes, hommes, femmes et bébés décédés demeurent à la morgue depuis un certain nombre de temps sans que leur corps n'ait été réclamé ou inhumé par les autorités sanitaires marocaines.

    L'AFVIC a pris connaissance de neuf autres corps à la morgue principale de Casablanca, six de ces corps ne sont pas identifiés à l'heure actuelle.

    L'ensemble des démarches administratives ont débuté pour les 12 migrants déjà identifiés afin d'obtenir les autorisations d'inhumation et organiser les funérailles.

    Dans un souci de respecter la dignité humaine de l'ensemble de ces personnes, l'AFVIC lance un appel à tous les militants de la société Civile nationale et internationale, ainsi qu'à la délégation du H.C.R, afin que les 12 Migrants soient enterrés rapidement et dignement.

    Les enterrements vont engendrer des frais que nous aimerions partager avec l'ensemble des acteurs associatifs concernés par la problématique de l'immigration subsaharienne. Nous vous ferons part ultérieurement des modalités de contribution.

    Le programme de funérailles vous sera communiqué dans les jours qui viennent.

    Merci pour votre aide.

    Bureau AFVIC Casablanca

    Paulin KUANZAMBI, Responsable proximité Réseau Afrique Migration. Tel : 060350645 061474301

    Colombe CRETIN, coordinatrice projet Tél. : 013483922 061474401

    Voici la liste et les dates de décès.

    Noms et Prénoms ages Date de décès Nationalités Lieu de décès

    1. GIFT JOB Nese Adulte 19 Février 2006 Non renseignée Hôpital Mohamed v

    2. Fatima Driss 25 Ans Le 01 Mars 2006 Africaine A domicile

    3. Bébé de Mlle Mamatou Hamidou Djob J 5 de vie Le 12 Mars 2006 Nigériane Ibn Rochd 4. Ali Demen Ouadam 35 Ans Le 12 Juin 2006 Ghanéenne Ibn Rochd

    5. Garçon Stella Osass 5 h 00 de Vie Le 09 Août 2006 Nigériane Ibn Rochd

    6. Garçon Charly JOSS 3 H00 de Vie 12 Août 2006 Non renseignée Ibn Rochd

    7. bébé de Mlle Antonia Andrew 3 H 00 de Vie le 24 Août 2006 Non renseignée Ibn Rochd

    8. Abdallah Musa Adulte Le 06 Octobre 2006 Malienne Ibn Rochd

    9. Saïd Abderrazak Adulte Le 23 Novembre 2006 Ghanéenne Ibn Rochd

    10. Bébé Jackson Katrine J 5 de vie 29 décembre 2006 Nigériane Ibn Rochd

    11. Fatima Jonson Adulte 6 Janvier 2007 Non renseignée A domicile

    12. Garçon de Mlle Marisa Pamela/ Khoussi Alberto 5 h 00 de vie 23 Mars 2007 Non renseignée Ibn Rochd


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  • Le rapport du CCDH, un rapport nul et non avenu 
     
    Suite aux événements dramatiques dont ont été victimes des immigrés subsahariens dans le Nord du Maroc en septembre/octobre 2005, le Conseil Consultatif des Droits de l'Homme (CCDH) au Maroc, vient de publier un document intitulé «Rapport sur l'établissement des faits relatifs aux évènements de l'immigration illégale».
     
    Ce rapport pose des problèmes d'éthique et de recherche de la vérité aussi bien sur le fond que sur la forme. La mission d'enquête, tardivement mise sur pied, s'est contentée d'effectuer des entretiens avec les représentants des différents départements ministériels, ainsi qu'avec quelques ONG. Elle reconnaît elle-même n'avoir pas rencontré les concernés, c'est-à-dire les Subsahariens, ni même s'être déplacée sur l'un des lieux des faits.
    En outre, ce rapport officiel, censé être transparent, ne précise ni les noms des membres de cette commission d'enquête, ni ceux des personnes et organismes rencontrés, ni les dates et lieux de ces rencontres.
     
    Sur le fond, le rapport transforme les victimes en dangereux criminels au "profil militaire" et qui disposent d'un état-major pour des assauts contre... des barbelés!cette présentation quelque peu biaisée mène inévitablement à l'argument de la légitime défense puisque «Le Maroc a le droit de se protéger contre les différentes formes de criminalité transnationale».
     
    Quant aux conditions de refoulement des Subsahariens, le rapport n'y voit, dans la majorité des cas que des "opérations de retour librement consenti» (p. 29) sans craindre de se contredire à la page suivante en affirmant «quant au lieu de chute, perçu et décrié par une certaine presse comme «le désert» dans lequel auraient été abandonnés les Subsahariens, il ne s'agit en réalité que d'une zone frontalière de surcroît habitée, en l'occurrence, Aïn Chouater". Belle illustration de l'Etat en flagrant délit de non-assistance à personnes en danger !
    Pour ces opérations expéditives d'expulsions collectives des Subsahariens connues et reconnues par le monde entier, le rapport n'exprimera qu'un seul regret:"s'il y a quelque chose à déplorer, c'est le sentiment de manque de moyens matériels et financiers qui peuvent être utilement mis à la disposition des forces de l'ordre pour assurer, dans de bonnes conditions, leurs missions" (p. 30).
     
    L'approche sécuritaire privilégiée par les auteurs de ce rapport est indigne d'un organisme censé examiner les questions de respect des droits de l'Homme sous l'angle juridique et du respect des conventions internationales. Le Maroc est signataire de la Convention de Genève de protection des réfugiés (1951),  et de la Convention des Nations Unies de protection des travailleurs migrants (décembre 1990). Il a dès lors des obligations à respecter et sur ce point le rapport reste muet.
     
    Par ailleurs, si la politique d'externalisation de l'Union Européenne a une grande part de responsabilité dans le drame des Subsahariens, comme le souligne le rapport, il n'en demeure pas moins que la responsabilité des autorités marocaines est avérée notamment dans la disproportion des moyens de repressions utilisés (tir à balles réelles sur des hommes non armés) Le rapport cherche à justifier l'injustifiable avec de graves omissions sur le devoir qui revient aux autorités de protéger les migrants quelle que soit leur situation juridique. Or des pratiques indignes ont été commises, telles que des chasses à l'homme dans les forêts proches de Ceuta et Melilla et d'autres villes du Maroc, la rétention d'une partie des victimes arrêtées à l'intérieur des bases militaires sans accès à des avocats, le refoulement d'autres dans des zones désertiques...
     
    Les associations signataires de cette déclaration expriment leur profonde indignation et considèrent ce rapport partial et irrespectueux du droit international, pour nous il est nul et non avenu. Elles exigent la vérité et des excuses officielles pour les victimes et leurs familles.
    Nous exigeons enfin que les conventions internationales notamment la Convention des Nations Unies pour la protection des migrants ratifiée par le Maroc, soient réellement considérées et surtout respectées.
     
    Dans l'immédiat nous exigeons un moratoire de toutes les poursuites, refoulements, ou expulsions individuelles ou collectives dont ils font l'objet.
     
    Nos associations connaissant le prix de l'exil, de la migration et leurs cortèges de souffrances expriment leur totale solidarité avec les migrants subsahariens. Nous nous engageons à contribuer à faire connaître la vérité et à défendre les droits légitimes de ces personnes devenues les "esclaves des temps modernes".
     
    Paris, le 05 Avril 2007
     
     Premiers signataires:
     
    France:
    ATMF (-Association des Travailleurs Maghrébins de France)
    IDD (-Immigration Développement Démocratie)
    ASDHOM (-Association des Droits de l'Homme au Maroc)
    AMF (-Association des Marocains en France)
     
    Hollande:
    EMCEMO (-Centre Euro-Méditerranéen Migration Développement)
    KMAN (-Association des Travailleurs Marocains en Hollande)
     
    Belgique:
    Espace Culturel Nord-Sud
     
    Italie:
    UDAMI (-Union Démocratique des Associations Marocaines en Italie)
     
    Espagne:
    ATIME (-Association des Travailleurs Immigrés Marocains en Espagne)
     
    Maroc:
    AMDH (-Association Marocaine des Droits Humains)
    Mehdi Lahlou, membre du bureau politique du PSU
    Association Homme et Environnement , Berkane
    Amis et Familles des Victimes de l'Immigration Clandestine

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  • Bureau européen d'Amnesty International (Bruxelles)-09-01-07


    Amnesty dénonce les violations des droits des migrants au Maroc



    Il faut réagir aux violations des droits humains qui touchent les migrants au Maroc Bruxelles – Amnesty International exhorte énergiquement la Commission européenne à revoir sa collaboration avec le Maroc dans la lutte contre la migration clandestine, après une série de raids violents au cours desquels des centaines de personnes – dont des femmes, des mineurs, des réfugiés et des demandeurs d'asile – ont été interpellées et déplacées de force vers la frontière algérienne.


    L'organisation est vivement préoccupée par le sort réservé à une centaine de personnes qui ont disparu sans laisser de traces depuis ces raids menés les 23, 25 et 29 décembre.


    D'après les autorités marocaines, aucun migrant disposant de documents délivrés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) n'a été déplacé. Toutefois, selon des informations crédibles dont dispose Amnesty International, au moins 10 réfugiés et 60 demandeurs d'asile ont été transférés vers la frontière. Certains ont depuis reçu l'autorisation de retourner à Rabat. Plusieurs se sont plaints de vols et d'atteintes sexuelles imputables aux membres des forces de sécurité, tant en Algérie qu'au Maroc.


    L'Union européenne (UE) ne peut rester indifférente à ces agissements, d'autant que le gouvernement du Maroc les justifie en invoquant les demandes de l'UE en faveur d'une coopération dans la lutte contre la migration illégale et se réfère à la récente conférence de Rabat, qui a réuni en juillet 2006 les gouvernements africains et européens ainsi que la Commission européenne.


    « Ces atteintes aux droits humains des migrants, qui font écho aux événements de Ceuta et Melilla en 2005 et 2006, sont inacceptables, a déclaré Dick Oosting, directeur du Bureau européen d'Amnesty International.


    « Cela confirme nos craintes : les normes minimales en matière de droits humains ne sont pas appliquées dans la gestion des flux migratoires, et ce en violation des obligations qui incombent à l'UE. »


    Source : Bureau européen d'Amnesty International (Bruxelles)


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       Le Maroc, enfer des réfugiés ?


    Le Maroc n'est plus souverain dans la décision d'octroyer le statut de réfugié aux migrants subsahariens, demandeurs de droit d'asile, au profit du HCR. Ce qui ne l'empêche pas de mener des rafles chez les Subsahariens et de les expulser, qu'ils soient détenteurs d'un récépissé du HCR ou pas.

    Tout le monde a crié au scandale. La commission européenne, à travers le groupe vert du Parlement européen, a inscrit les derniers refoulements et expulsions à l'ordre du jour de la prochaine réunion du sous-comité des droits de l'Homme du Conseil d'association Union européenne-Maroc les 22 et 23 janvier à Bruxelles. Le HCR (Haut commissariat aux réfugiés) a appelé le Maroc à respecter le droit d'asile et précise que parmi les expulsés figurent pas moins de 70 détenteurs de carte de réfugiés ou demandeurs d'asile. Un collectif d'associations de la société civile marocaine est monté au créneau, dont l'Afvic (Amis et familles des victimes de l'immigration clandestine), l'ALCS (Association de lutte contre le sida) ou encore l'AMDH (Association marocaine des droits de l'Homme) pour s'élever contre la persécution des Subsahariens, «victimes des politiques sécuritaires menées par l'Union européenne et ses partenaires». Amnesty International s'est adressée, quant à elle, à la Commission européenne en lui demandant de revoir sa collaboration avec le Maroc dans la lutte contre la migration clandestine, suite aux derniers événements. Notre ministre des Affaires étrangères, M. Benaïssa, a visiblement un autre avis sur la question. Lors d'une séance plénière au Parlement, il a fait l'éloge de la politique marocaine dans la gestion du dossier des migrants subsahariens, omettant au passage de parler des dernières descentes opérées dans différentes villes du royaume.Image

    Le Maroc, plus que jamais gendarme ...
    Les événements en question remontent à la fin de l'année dernière. Le 23 décembre dernier, la population subsaharienne résidant dans des conditions plus que précaires a été la cible de rafles menées par les autorités marocaines. A Douar El Hajja comme à Takadoum, les forces de l'ordre, policiers et éléments des forces auxiliaires, ont mené des rafles qui ont abouti à l'arrestation de près de 240 personnes qui ont été renvoyées en Algérie via un poste frontalier près d'Oujda. Deux jours plus tard, même scénario, cette fois-ci du côté de Nador où près de 40 Subsahariens ont également subi le même sort. Deux jours avant le nouvel an, d'autres migrants subsahariens ont fait l'objet d'interpellations à Laâyoune. «Ce qui s'est passé durant le mois de décembre n'est pas un fait isolé. C'est quelque chose qui se passe au quotidien. Durant le mois de janvier, plusieurs demandeurs d'asile ont été expulsés. Pis encore, Ils ont été dépossédés du maigre patrimoine dont ils disposaient : téléphone portable, argent», raconte M. Khalid Jemmah, président de l'Afvic. Mais, qu'est-ce qui a poussé les autorités marocaines à adopter une telle posture ? Ils sont plusieurs à citer les pressions européennes sur le Maroc pour que ce dernier gère la sous-traitance de ce dossier. D'autres y voient une conséquence directe de la conférence gouvernementale sur les migrations qui a eu lieu en juillet dernier. Officiellement, on répète que les Subsahariens qui clament avoir le statut de réfugiés disposeraient plutôt de faux-papiers. «Ce qui se passe n'est pas du tout normal. Le Maroc a signé des textes de loi qui interdisent ce genre de comportement. Il ne doit en aucun cas faire le sale boulot à la place des Européens», s'indigne M. Jemmah.

    Mais que fait le HCR pour venir en aide aux détenteurs du statut de réfugiés ? Selon M. Jemmah, l'équipe du HCR du Maroc fait du bon travail au vu des moyens humains et matériels dont elle dispose. «Le problème est ailleurs. Le Haut commissariat aux réfugiés ne doit pas satisfaire les exigences européennes en interdisant aux personnes persécutées d'atteindre leur destination, c'est-à-dire l'Europe», nuance M. Jemmah. M. Mehdi Lahlou, rédacteur de plusieurs rapports sur la migration subsaharienne, trouve, lui, que le HCR assure actuellement un mandat purement européen. «On assiste actuellement à une politique d'externalisation du flux migratoire. Le Maroc s'occupe de recevoir les demandeurs d'asile. Le HCR reconnaît alors ceux qui méritent le statut de réfugiés. Théoriquement, les Européens devraient s'occuper de la répartition des réfugiés», analyse M. Mehdi Lahlou. Ce qui en clair veut dire que le Maroc abandonne son droit de souveraineté, celui d'octroyer ou de refuser le droit de réfugiés aux demandeurs d'asile subsahariens. Mais, à quel prix ? «Même si le HCR reconnaît à un Subsaharien le droit d'asile, les Européens ne se bousculent surtout pas pour les rapatrier», affirme M. Lahlou. Ce qui veut tout simplement dire que le Maroc, même en montrant cette bonne volonté d'être à côté de l'Europe dans son combat contre l'immigration clandestine, se trouve ainsi taxé par les sociétés civiles africaine et européenne de persécuteur d'une population fragilisée par la pauvreté. Et traîne également la réputation de non-respect des traités et textes des droits des réfugiés dont il a été signataire.

    Source: Le Journal Hebdomadaire

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