• Le figaro 28 avril 2005     Londres : Envoyé spécial Renaud Girard

    Les conditions d'accueil des étrangers sont devenues le principal cheval de bataille de la formation dirigée par Michael Howard

    Ce dimanche après-midi de campagne électorale, la circulation est à moitié paralysée sur Whitehall, l'avenue qui traverse le quartier des grands ministères. Autour du Cénotaphe (le monument consacré aux soldats britanniques morts au champ d'honneur), et en face de la haute grille qui barre l'accès à Downing Street (le bureau et la résidence du premier ministre de Sa Majesté), se tient une manifestation de quelques centaines d'Arméniens fustigeant l'indifférence de Tony Blair et de Jack Straw (le secrétaire au Foreign Office) envers le refus du gouvernement turc actuel de reconnaître le génocide de 1915. Des policiers placides forment un cordon autour des manifestants. Sur le trottoir d'en face, un millier de personnes semblent se presser au spectacle. Ils ont tous la peau très brune, celle des Indiens du sud. En fait, ce sont des Tamouls du Sri-Lanka, qui attendent tous sagement, sous la pluie, leur tour de manifester. Ce sont des demandeurs d'asile qui réclament le droit de rester au Royaume-Uni, redoutant que le gouvernement reclasse l'île de Ceylan parmi les pays normaux et démocratiques, où l'on ne peut plus invoquer aucune persécution politique. Ce dimanche, l'immigration d'avant-hier (l'après-Première Guerre mondiale) est rejointe par celle liée aux conflits d'aujourd'hui du tiers-monde.


    L'immigration domine la campagne électorale des élections générales du 5 mai. Dans un pays où les Partis travailliste et conservateur s'accordent sur les vertus du modèle économique libéral, la politique d'immigration est devenue le principal cheval de bataille du Parti de Margaret Thatcher, aujourd'hui dirigé par son ancien ministre de l'Intérieur Michael Howard. Les conservateurs reprochent à Tony Blair de n'avoir rien fait, au cours de ses huit années au pouvoir, pour arrêter le flot de l'immigration clandestine. 150 000 étrangers entrent chaque année au Royaume-Uni, pour la plupart illégalement. Les conservateurs promettent d'instaurer une politique plus stricte, fondée sur un système de quotas, inspiré du modèle australien .


    Le meilleur défenseur de ce programme dans le royaume est sans doute Shahagir Faruk, 56 ans, le candidat conservateur pour Bethnal Green, circonscription populaire de l'East End, où la population musulmane immigrée est de loin majoritaire. M. Faruk tient sa permanence sur Brick Lane, quartier qui était jadis celui des immigrés juifs misérables d'Europe centrale et qu'on appelle maintenant la petite Dacca, parce que la plupart de ses résidents sont originaires du Bangladesh. La rue sent aujourd'hui le tandoori ; les femmes, la plupart voilées, portent le sari ; les boutiques crachent de la musique de film indienne ; des adolescents, le bonnet de prière sur la tête, se chamaillent gaiement dans un sabir d'anglais cokney et de bengali. Le plus étonnant est qu'on se trouve ici à moins d'un quart d'heure de marche de la City, le coeur financier de l'Europe.


    Entouré des membres de son équipe de campagne tous à la peau brune à l'exception d'un bibliothécaire à la retraite qui ressemble à une caricature du Major Thomson, M. Faruk raconte fièrement son parcours. Arrivé du Bangladesh en 1973, il a monté, pendant l'ère Thatcher, une prospère agence d'emploi et de formation permanente privée. «J'ai rejoint le Parti conservateur parce que je partage ses valeurs centrées sur le travail, la liberté d'entreprendre, la famille, le respect des anciens», affirme-t-il, en ajustant sa cravate pourpre sur son costume bleu marine impeccable. «Et puis, comme moi, les conservateurs sont des croyants, fiers de la religion de leurs pères, qui pratiquent régulièrement leur culte.» M. Faruk est, lui, bien sûr, un pieux musulman.


    Le programme de son Parti, qualifié d'«anti-immigration» par la gauche, ne le trouble pas le moins du monde. «Nous les Britanniques, récents comme anciens, nous sommes attachés à la cohésion sociale de notre pays. Regardez les listes d'attente qu'il y a, dans ce quartier, pour les logements sociaux. L'immigration débridée menace le bon fonctionnement des services publics. Ce n'est pas une question de culture. Le manifeste du Parti conservateur souligne lui-même la richesse culturelle du pays engendrée par les immigrés», explique M. Faruk dans son anglais syntaxiquement parfait, presque désuet, en dépit d'un accent indien à couper au couteau. A l'évidence, M. Faruk incarne le succès du modèle multiculturel d'intégration britannique.


    Aux dernières élections, M. Faruk a recueilli en tout 10 000 voix, soit 9 000 voix de moins que la candidate élue du Parti travailliste, Oona King, une métisse, fille d'un activiste noir américain et d'une intellectuelle juive de l'East End. La principale menace pesant sur la réélection de Mme King ne vient pas de sa droite, mais de sa gauche. Se présente en effet contre elle un tribun écossais de gauche, transfuge du Parti travailliste. George Galloway fait fureur dans ce quartier avec un programme fustigeant la «guerre impérialiste» de Tony Blair en Irak, réclamant l'abolition de la législation antiterroriste «islamophobe» adoptée par Westminster après les attentats du 11 septembre, et exigeant le rétablissement des prérogatives des syndicats ouvriers abolies par Margaret Thatcher. George Galloway a fondé un Parti qu'il a appelé Respect, qui est arrivé en tête dans plusieurs circonscriptions populaires de l'East End lors des élections européennes de 2004.


    La guerre civile qui fait rage au sein de la gauche dans ce bastion traditionnel du Parti travailliste risque paradoxalement de faire entrer le conservateur Faruk à la Chambre des Communes, en raison du mode de scrutin très Particulier du Royaume-Uni (scrutin uninominal à un seul tour).

    Mais le choix du Parti conservateur de centrer sa campagne nationale sur le contrôle de l'immigration n'a pas porté ses fruits au-delà des bastions conservateurs traditionnels que sont les quartiers bourgeois et la campagne anglaise (où n'habite pratiquement aucun immigré). Au contraire, cela n'a fait que remobiliser les électeurs de gauche autour du Parti travailliste.


    Le manifeste électoral du New Labour de Tony Blair comporte en effet lui-même une série de mesures pratiques pour endiguer l'immigration illégale : établissement de cartes d'identité obligatoires, politique de recrutement légal d'immigrés qualifiés et anglophones, etc. Dans un pays où il n'y a pratiquement pas de chômage, les accusations de laxisme en matière d'immigration adressées au premier ministre par le Parti conservateur sont donc tombées à plat. Au cours des deux dernières semaines, le Parti travailliste est monté jusqu'à 40% d'intentions de vote dans les sondages, alors que les conservateurs régressaient à 30%, devant le Parti libéral démocrate. En raison de son opposition déclarée et ancienne à la guerre d'Irak, la formation marginale de Charles Kennedy est montée jusqu'à 22%.

    Conscient de l'échec de sa stratégie originelle, Michael Howard, le leader des Tories, est en train d'en changer. Il place désormais, dans ses discours, le thème de l'immigration en seconde position, derrière celui du «manque de sincérité» du premier ministre, accusé d'avoir menti pour convaincre le Parlement de voter la Participation des forces britanniques à la guerre d'Irak. Il n'est pas sûr que ce changement tardif de tactique puisse marcher, dans la mesure où le Parti conservateur s'est lui-même toujours montré aussi pro américain que le New Labour.


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  • Le ministre de l'Intérieur, Al Mostapha Sahel, a indiqué, mercredi à Rabat, qu'il a été procédé en 2004 au démantèlement de plus de 425 réseaux spécialisés dans l'émigration clandestine, soit une augmentation de 60% par rapport à l'année 2003. Sahel qui répondait à une question orale à la Chambre des représentants sur "la lutte contre l'émigration clandestine", a ajouté qu'au cours de la même période, il a été procédé à "l'arrestation de 26.000 émigrés clandestins, dont 9.000 Marocains et 17.000 étrangers en majorité des pays subsahariens". Le ministre de l'Intérieur a indiqué qu'au cours des trois premiers mois de l'année 2005, quelque 7.600 candidats à l'émigration clandestine, dont 6.000 subsahariens, ont été arrêtés, ajoutant que "ces opérations ont été menées conformément au procédures fixées dans la loi 02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers". Sahel a également rappelé la mise en place d'une stratégie et la prise de mesures efficientes da! ns la lutte contre ce phénomène en resserrant l'étau autour des réseaux spécialisés dans l'immigration clandestine, évoquant à ce sujet l'équipement des plages et des frontières de moyens de détection et de surveillance et le renforcement des ressources humaines chargées de cette mission.


    Synt de L'Economiste/Map - Jeudi 28 avril - 10h07

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