• Bureau européen d'Amnesty International (Bruxelles)-09-01-07


    Amnesty dénonce les violations des droits des migrants au Maroc



    Il faut réagir aux violations des droits humains qui touchent les migrants au Maroc Bruxelles – Amnesty International exhorte énergiquement la Commission européenne à revoir sa collaboration avec le Maroc dans la lutte contre la migration clandestine, après une série de raids violents au cours desquels des centaines de personnes – dont des femmes, des mineurs, des réfugiés et des demandeurs d'asile – ont été interpellées et déplacées de force vers la frontière algérienne.


    L'organisation est vivement préoccupée par le sort réservé à une centaine de personnes qui ont disparu sans laisser de traces depuis ces raids menés les 23, 25 et 29 décembre.


    D'après les autorités marocaines, aucun migrant disposant de documents délivrés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) n'a été déplacé. Toutefois, selon des informations crédibles dont dispose Amnesty International, au moins 10 réfugiés et 60 demandeurs d'asile ont été transférés vers la frontière. Certains ont depuis reçu l'autorisation de retourner à Rabat. Plusieurs se sont plaints de vols et d'atteintes sexuelles imputables aux membres des forces de sécurité, tant en Algérie qu'au Maroc.


    L'Union européenne (UE) ne peut rester indifférente à ces agissements, d'autant que le gouvernement du Maroc les justifie en invoquant les demandes de l'UE en faveur d'une coopération dans la lutte contre la migration illégale et se réfère à la récente conférence de Rabat, qui a réuni en juillet 2006 les gouvernements africains et européens ainsi que la Commission européenne.


    « Ces atteintes aux droits humains des migrants, qui font écho aux événements de Ceuta et Melilla en 2005 et 2006, sont inacceptables, a déclaré Dick Oosting, directeur du Bureau européen d'Amnesty International.


    « Cela confirme nos craintes : les normes minimales en matière de droits humains ne sont pas appliquées dans la gestion des flux migratoires, et ce en violation des obligations qui incombent à l'UE. »


    Source : Bureau européen d'Amnesty International (Bruxelles)


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  • Parti Socialiste Unifié



    Bureau Politique



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    Communiqué à propos de l'opération de police menée contre des migrants subsahariens à Rabat dans la nuit du 22 au 23 décembre 2006



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    Rabat le 24 Décembre 2006



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    Le Maroc, dont 3 millions de ses citoyens vivent à l'étranger, est devenu depuis quelques années un pays de transit, et accessoirement de séjour par défaut, d'un nombre relativement important de migrants en situation administrative irrégulière en provenance essentiellement de pays d'Afrique subsaharienne.



    Nous savons tous les raisons de ces migrations comme nous avons suivi – et condamné en leur temps – les violences qui ont été faites à ces migrants particulièrement au cours de l'automne 2005 aux confins des villes marocaines occupées de Sebta et de Melilia.



    Nous avons aussi noté le travail diplomatique mené par le Maroc pour mettre chacun – aussi bien les pays de l'Union européenne que les pays de départ ou de transit – devant ses responsabilités et pour surmonter les effets négatifs de certaines des actions de ses forces de sécurité sur l'opinion publique marocaine et africaine.



    Nous avons pu considérer que la rencontre gouvernementale Euro-africaine, tenue à Rabat début juillet 2006, marquait une rupture effective par rapport aux tendances antérieures, d'autant qu'avec le déplacement des routes migratoires vers les côtes mauritaniennes et sénégalaises, le Maroc s'est retrouvé dans une position moins critique, puisqu'il est apparu clairement qu'il n'était qu'un simple pays de transit. Ce qui relativise sa responsabilité par rapport aux pays de départ et surtout par rapport à ceux de l'Union européenne qui représentent l'objectif final des migrants.



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    Aussi, le Bureau politique du PSU, qui a débattu de cette question au cours de sa réunion du 24 décembre 2006, fait part de sa surprise quant au retour à certains comportements que nous avons estimés bannis depuis le mois de novembre 2005 par les autorités marocaines et exprime sa condamnation totale des atteintes flagrantes aux droits de l'homme que ces comportements impliquent.



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    Parmi ceux-ci il y a lieu de relever plus particulièrement l'absence quasi-systématique du recours à la justice avant toute décision de refoulement ou d'expulsion de migrants (contrairement à ce que prévoit même la loi 02-03) ainsi que les rafles périodiques dans les quartiers de résidence des migrants dits en situation irrégulière dans différentes villes de pays, et qui sont opérées dans l'irrespect total des règles élémentaires de droits de l'homme aussi bien quant aux procédures suivies, que quant aux personnes arrêtées  dont on ne prend en considération ni leur situation de réfugié statutaire ni les garanties internationales et nationales induites par leur sexe, leur âge ou leur situation matrimoniale.



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    Dans ce cadre, le Bureau publique du PSU condamne tout particulièrement la rafle monstre dont ont été victimes plus de 230 migrants, qui ont été sortis de leurs logements dans la nuit du 22/23 décembre 2006 , dans des conditions de froid extrêmes, pour être conduits sans autre forme de procès, vers la frontière algéro-marocaine, où ils ont été dispersés pour, selon le Wali de Rabat intervenant à la télévision marocaine le 23 décembre 2006 au soir, ‘'se conformer aux engagements pris par le Maroc à l'occasion de la Conférence euro-africaine de Rabat‘'.



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    Ces actes, qui paraissent pour certains tout à fait gratuits vu leur timing et l'absence de motifs directs et apparents dictant qu'ils soient accomplis, sont de nature à porter atteinte à l'image du Maroc en Afrique en même temps qu'ils induisent une profonde contradiction avec le discours officiel qui soutient que le Maroc contrôle ses frontières et traite les migrants en situation irrégulière sur son territoire dans le respect total des droits humains et la réalité sur le terrain.



    En outre, le BP du PSU a enregistré sur le même sujet le décès – entre les mois de juin et d'octobre 2006 - pour cause de maladie, d'absence de soins ou d'accident de 12 migrants subsahariens installés au Maroc.



    Cette situation dramatique, résultat de la quasi-fermeture des passages entre le Maroc et l'Espagne, ne doit plus durer.



    Pour cela le Bureau politique du PSU demande instamment au gouvernement d'arrêter les actions opposées aux droits de l'homme dirigées contre les migrants, quelle que soit leur situation au Maroc. Il demande également – face aux drames humains vécus par un très grand nombre de ces migrants - que les autorités publiques marocaines  interviennent pour que les migrants sans moyens aient plein accès aux structures hospitalières publiques, au même titre que les Marocains en situation d'indigence. A ce sujet, le Bureau politique est conscient de l'insuffisance des moyens mis à la disposition de notre système de santé  - insuffisance qu'il ne cesse de dénoncer à l'image des autres déficits dans d'autres services de base du pays – aussi presse-t-il les responsables marocains concernés d'agir  pour que les instances de l'Union européenne ainsi que le HCR et l'Organisation des migrations internationales prennent effectivement leur part dans la réponse aux besoins de base de cette population migrante, qui se trouve provisoirement dans notre pays dans l'attente d'un départ de plus en plus hypothétique vers l'Europe, alors que le Maroc ne dispose pas de moyens suffisants pour faire face aux besoins primaires d'une proportion importante de sa propre population.



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    Le Bureau politique du PSU continue de penser que la façon de traiter les migrants étrangers vivant au Maroc a des incidences directes et indirectes sur les migrants marocains installés à l'étranger, comme il estime que l'Etat de droit se construit aussi par la façon dont les populations en situation de précarité sont traitées. Dans ce sens, la responsabilité du gouvernement marocain est pleinement engagée pour que les citoyens de pays subsahariens transitant par le Maroc ou y vivant soient protégés dans leur vie et leurs droits.



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    Fait à Rabat le 24 décembre 2006

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  • "Le h’rig est une soupape pour le système"

    Antécédents
    Khalil Jemmah (Militant associatif,
    fondateur de l'AFVIC)
      1970.Naissance à Khouribga
      1994.Diplômé en commerce à Bruxelles
      2000.Retour à Khouribga, ouvre son cabinet d’assurances
      2002.Fondateur de l’Association des familles et amis des victimes de l’émigration clandestine (AFVIC)
      2003.Crée l’Economica Institut, pour l’économie sociale
      2004.Accuse l’OCP de discrimination

    Smyet bak ?

    Salah Ben Mohamed.

    L’agent OCP 94521 ?
    Exactement. L’agent qui a purgé 29 ans de sa vie à l’OCP. 29 ans de soumission dans un régime militaire.

    Calmez-vous Si Jemmah, c’est grâce à ce régime que votre papa a fait de vous un grand assureur aujourd’hui !
    Ça pouvait se faire sans la soumission. Une entreprise qui se respecte doit privilégier la motivation et le mérite plutôt que la servitude et la sanction.

    Ou n’ta malek ?
    Le 4 décembre 1970, ma mère, enceinte, s’est présentée à la clinique OCP pour accoucher. On lui a alors demandé le grade de son mari pour lui allouer la chambre qui sied à son rang social. C’est le premier acte de discrimination sociale dont j’ai été victime.

    Portez plainte !
    C’est une action que nous coordonnons avec différentes associations de droits de l’enfant. La démarche de l’OCP est contraire à la déclaration universelle des droits de l’enfant, dont le Maroc est signataire. Cette dernière stipule qu’un enfant ne doit pas subir de discrimination à cause des activités de ses parents.

    Smyet mok ?
    Khadija Scadi.

    Nimirou d’la carte ?
    Q 142 360.

    Un assureur prospère à la tête d’une association de harraga, ça fait louche… Qu’est-ce qui vous fait courir ?
    La peur que mes filles aient, un jour, besoin de faire leur vie ailleurs, loin de moi - comme plusieurs membres de ma famille - ou de périr au large comme ces milliers de jeunes chaque jour. C’est un sentiment de hogra qui me fait courir, une ferme volonté de changer les choses, de parler au nom des morts.

    L’État a récemment lancé une campagne contre l’émigration clandestine, y avez-vous pris part ?
    Non et c’est malheureux. Pourtant, les membres de l’AFVIC sont des experts agréés auprès du Conseil de l’Europe, qui les consulte régulièrement. C’est une campagne qui se trompe de message. Elle veut faire peur aux candidats, mais ça ne sert à rien, ils sont tous conscients du risque. Il faut, au contraire, leur donner de l’espoir.

    Que le pays n’offre peut-être pas finalement…
    Ce sont les ambitieux qui partent. Le h'rig est une soupape de sécurité pour le système. Il faut peut-être bloquer cette soupape et pousser les gens à réclamer leurs droits, à se bouger, au lieu de partir.

    Le système encourage le h’rig ?
    L’émigration est la première source de revenus du pays, mais c’est de l’argent stérile. Les nouvelles générations n’envoient plus autant. Comment fera-t-on dans 50 ans, sans l’argent des émigrés ? C’est un modèle économique dangereux.

    Vous montez une école privée qui prétend faire de l’économie sociale, c'est nouveau, ça !
    C’est un centre de formation de militants économiques, d'opérateurs qui, nous l'espérons, investiront dans leur région. Comme nous n’arrivions pas à avoir de fonds, nous avons dû mobiliser des fonds privés. C'est une initiative de l'AFVIC.

    Il ne manquait plus que ça, demander à des bailleurs de fonds associatifs de financer une affaire privée !
    Ce n’est pas une affaire privée. Les étudiants qui ne peuvent payer les frais de scolarité, d'environ 300 DH par mois, ne le font pas. Les écoles privées de commerce coûtent 10 fois plus cher !

    Si demain vous rencontrez le roi, que lui demanderez-vous ?
    Ce que les morts auraient aimé lui demander : nous soutenir pour faire du Maroc un espace de réalisation et des Marocains des citoyens de plein droit.

    Des sujets non ?
    Nous revendiquons le statut de citoyen ?

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  • 2 PAGES CENTRALES DU MONDE DIPLOMATIQUE  Juillet 2002

    Plus de 100 000 Marocains tentent chaque année de traverser clandestinement le détroit de Gibraltar pour gagner l’Europe, nouvelle terre de toutes les promesses. Pour des milliers d’entre eux, ce rêve se termine tragiquement. Pourtant, le drame des noyés du détroit ne dissuade nullement de plus en plus de jeunes Marocains de tenter à leur tour l’aventure. Pourquoi partent-ils ? Il y a d’abord la conviction qu’un pays où les structures sociales demeurent désespérément archaïques, voire féodales, n’offre pas aux nouvelles générations de véritables perspectives d’avenir. Il y a ensuite l’irrésistible attrait qu’exerce l’image des pays européens diffusée par les chaînes de télévision du Nord qui inondent désormais tout le Maghreb. Mais il y a loin du mirage à la réalité...

    Partir, émigrer, tel est le thème de l’un des plus grands succès de la variété maghrébine des années 1990, ia raiah ouin moussafer (toi le voyageur, où es-tu parti... ?). Cet hymne aux exilés rappelle l’espoir massif d’un exil vers l’Europe ou le Canada... La création de l’espace Schengen en 1990 s’est traduite par la réduction drastique des visas accordés et a suscité un sentiment d’enfermement parmi les jeunes Maghrébins, qu’il est difficile d’imaginer dans l’opulente et libre Europe. D’où une explosion de l’immigration clandestine (lire Par dizaines de milliers), en particulier vers l’Espagne, via le détroit de Gibraltar.

    La traversée du détroit est une aventure à hauts risques. Elle est assurée par des barques de pêche ou pateras, souvent équipées d’un moteur de 40 à 60 chevaux. Les départs s’échelonnent sur toute la côte nord du Maroc, descendant jusqu’à Kenitra, aux portes de la capitale. La surveillance accrue du détroit oblige les passeurs à faire preuve de témérité. Si bien que les 12 kilomètres qui séparent l’Espagne du Maroc au point le plus court peuvent se transformer en une traversée de plusieurs centaines de kilomètres, non sans risques. A fortiori quand l’objectif est fixé aux îles Canaries. A la fin avril 2002, un naufrage a eu lieu au large d’Agadir (7 morts marocains retrouvés).

    Les polices marocaine et espagnole ont pris la triste habitude de ramasser les cadavres que la mer rejette, corps lancés à la mer par des passeurs affolés à l’approche des vedettes de surveillance ou corps issus du naufrage des pateras. Du côté espagnol, en 2000, on a repêché 72 cadavres, tandis que 271 décès étaient attestés par les rescapés. La presse marocaine relève fréquemment de tels drames sur les côtes du Nord. Le 26 septembre 1998, un des pires naufrages a causé 38 morts dans le détroit. D’après l’Association des amis et familles des victimes de l’immigration clandestine (AFVIC), on a relevé 3 286 cadavres sur les rives du détroit de 1997 au 15 novembre 2001. Si l’on accepte le ratio d’un cadavre retrouvé pour trois disparus, cela signifie la mort de plus de 10 000 migrants en cinq ans dans le détroit.

    A cela s’ajoute la situation très tendue qui prévaut autour des deux enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, sur la côte nord. Accessibles aux gens du nord du Maroc sur présentation d’une simple carte d’identité, ces territoires suscitent une vigoureuse contrebande. A Ceuta, on enregistre 25 000 passages quotidiens de contrebandiers. Ceuta tente de se préserver en édifiant sur son pourtour une sorte de rideau de fer grillagé et électrifié. Mais les présides (enclaves) sont confrontés à une intense pression migratoire, notamment enfantine. Plusieurs milliers d’enfants sont refoulés chaque année. Le mercredi 9 mai, le ministre espagnol de l’intérieur, M. Mariano Rajoy, déclarait : « Les autorités marocaines ne manifestent aucune préoccupation pour l’état de leurs mineurs (1). »

    Pour les autorités marocaines, les migrants proviennent de tout le continent africain (et même du Proche-Orient et de l’Asie). Mais la police espagnole atteste que 80 % des migrants sont marocains. Néanmoins, les migrants africains sont devenus une figure du paysage (à Tanger, à Rabat), malgré des conditions de vie dramatiques. Arrivant d’Algérie via le Sahara, ils sont pris en charge par des transporteurs qui les dirigent vers Tétouan ou Nador et les hébergent éventuellement en attendant le passage. Il arrive qu’ils soient refoulés vers l’Algérie sans procès ni recours, et de surcroît en groupe, ce qui contredit tous les textes internationaux. Un camp de migrants, côté algérien, a été récemment vidé de ses 10 000 « habitants ». Et quelques milliers sont parqués à Ceuta et Melilla.

    Les migrants marocains potentiels disposent d’une vaste gamme de moyens. Pour les enfants des classes aisées, le plus sûr moyen de circuler librement reste d’être inscrit dans une école étrangère. Pour les élèves de l’école publique, les choses sont plus complexes. En 2001, 14 000 bacheliers (soit près d’un sur quatre) ont fait une demande pour poursuivre des études en France auprès de l’ambassade de France à Rabat. Les demandes en direction de l’Espagne et du Canada sont aussi très nombreuses. Les étudiants diplômés sont parfois très recherchés. Ainsi, la promotion 2001 des diplômés informaticiens de l’école Mohammedia d’ingénieurs (la plus prestigieuse du Maroc) a été entièrement recrutée à l’étranger. Quant aux cadres, on relève depuis quelques années un exil de trentenaires diplômés et installés, qui vendent leurs biens et quittent le pays (médecins, ingénieurs, etc.). Le Canada et la France sont les destinations privilégiées.

    Pour le commun des mortels, les choses sont moins simples et plus chères. La première manière est d’obtenir un visa Schengen et de dépasser son délai de validité. Régulièrement, des sportifs marocains profitent d’une tournée à l’étranger pour disparaître dans la nature. Cet hiver, une fédération française de rugby s’est fait piéger en accordant plusieurs dizaines de visas à un faux club marocain... Le problème est qu’il n’est pas aisé de disposer d’un tel document. Alors, pour 5 000 à 6 000 euros, il est possible, selon l’AFVIC, d’acheter de faux papiers.

    Ceux qui brûlent leur passé

    L’avion est aussi un moyen de s’expatrier. Outre les jeunes filles qui partent vendre leurs services dans le Golfe, le système du via/via est utilisé pour débarquer en Europe. Il s’agit de prendre un vol pour l’Australie ou la Chine, via Paris ou Rome, et d’être exfiltré de l’aéroport par des complices dûment rémunérés. L’opération coûte 7 000 euros, mais elle est la plus sûre. La voie terrestre est aussi empruntée. 100 000 camions traversent chaque année le détroit dans le sens sud-nord, ce qui laisse pas mal d’opportunités. Dans la zone industrielle de Rabat, des jeunes gens munis d’une petite réserve alimentaire tentent chaque semaine de s’embarquer à bord des camions de textile. On peut aussi citer le cas des cars avec la complicité des chauffeurs (5 000 euros), du passage par le détroit de Sicile via Tunis (3 000 euros) ou encore du passage par la Turquie et la Grèce (140 Marocains au départ d’El Jadida ont tenté l’expérience en août 2001).

    Des solutions individuelles existent aussi (mariage, regroupement familial, contrat de travail en Italie, voiture familiale, etc.). Néanmoins, le gros du flot clandestin est assuré par les fameuses pateras. Les migrants proviennent essentiellement de trois grandes régions en crise du Maroc, les axes Nador-Oujda dans le Rif, Casablanca-Beni Mellal, Casablanca-Marrakech. Dans ces régions rurales, les migrants n’ont souvent jamais vu la mer et n’ont aucune idée des risques encourus (paroles de rescapés).

    Les candidats à la migration sont recrutés par des rabatteurs locaux dans les régions les plus lointaines du Maroc. La filière est parfaitement organisée. Le migrant est pris en charge par un transporteur local (par camion jusqu’à la côte). Arrivé là, un agent héberge les candidats jusqu’à ce que la mer se calme. Enfin, le marin (qui est souvent un intermédiaire qui ne possède pas le bateau) se fait payer 200 à 300 euros par tête. Après avoir acquitté 1 000 à 1 300 euros aux bandes mafieuses qui organisent la traversée, les harragas (littéralement ceux qui brûlent leur passé) rejoignent de nuit leur embarcation. Ce trafic rapporte plus de 100 millions d’euros par an à ces mafias, ce qui n’est pas énorme comparé au trafic de cannabis (2).

    L’hébergement est ensuite assuré en Espagne, dans la région de Tarifa ou aux îles Canaries. Ce qui prouve que la traite est organisée par une mafia internationale très structurée. D’après témoignages, ce sont des Marocains de l’étranger qui dirigent ce trafic, en compagnie d’Espagnols. Mais son ampleur suppose que des complicités existent des deux côtés de la mer. D’ailleurs, après le 11 septembre 2001, plus aucun bateau n’a traversé le détroit pendant plusieurs semaines... Or il est peu vraisemblable que les migrants aient différé leur départ à cause des attentats de New York.

    L’AFVIC recherche les causes de l’émigration clandestine, mais elle veut aussi lutter contre ce fléau et se constituer partie civile contre les trafiquants d’êtres humains. Elle accompagne son action de tables rondes et bénéficie du soutien actif du Conseil de l’Europe. L’association a lancé une grande enquête auprès de 600 jeunes Marocains de moins de 30 ans en 2001, pour mettre au jour les motivations des migrants et la genèse de leur projet migratoire. Six groupes ont été étudiés, de cent membres chacun (élèves, collégiens, lycéens, étudiants, chômeurs et jeunes actifs). De cela il ressort que le projet migratoire se forme dès l’enfance, et qu’il devient une obsession à l’âge adulte.

    Si 85 % des enfants du primaire pensent que leur situation est bonne, ils ne sont plus que 6 % parmi les jeunes sans revenu stable (contre 21 % au lycée et 25 % dans le supérieur). 71 % des jeunes sans revenu stable pensent que leur vie est médiocre, et 8 % seulement pensent que leur vie va s’améliorer (alors qu’ils sont 87 % en primaire). Au total, 33 % de ces jeunes pensent que leur sort va s’améliorer, mais 31 % pensent qu’il n’en sera rien. La montée des incertitudes au cours de la vie explique l’ampleur du désir migratoire. Tous les sondés disent vouloir visiter l’Europe et pensent que leur sort y serait meilleur. Sur cette base, 82 % des lycéens interrogés disent vouloir partir en Europe, et 94 % des jeunes sans revenu stable (contre seulement 19 % des actifs occupés). Parmi ceux-ci, 62 % se disent prêts à prendre le risque de partir sans visa comme immigré clandestin...

    En 2001, 44 841 immigrés en situation irrégulière ont été rapatriés ou expulsés d’Espagne vers leur pays d’origine (Marocains, Colombiens et Equatoriens en tête) ; 22 984 autres ont été détenus sans papiers, dont 21 706 Marocains. 12 976 étrangers, en majorité marocains (contre 6 579 en 2002), ont enfin été expulsés par procédure judiciaire, en application de la nouvelle loi sur l’immigration adoptée le 23 décembre 1999. L’Espagne, vieux pays d’émigration qui comptait encore très peu d’immigrés dans les années 1980, accueille, en 2001, 1 243 919 étrangers officiels, dont 46 % d’extracommunautaires.

    La question migratoire est devenue essentielle pour Madrid. L’ancien ambassadeur d’Espagne au Maroc, M. Jorge Dezcallar, est d’ailleurs devenu le patron du CNI, les services secrets espagnols. Il ne fait guère de doute que la quasi-rupture des relations maroco-espagnoles, depuis le rappel de l’ambassadeur marocain à Madrid en octobre 2001, est liée à l’immigration et au trafic de cannabis.

    D’après le Conseil de l’Europe, 246 000 demandes de régularisation ont été déposées par des immigrants clandestins en Espagne entre le 3 mars et le 31 juillet 2000, à l’occasion de la récente vague de régularisations. Si 90 % des demandes déposées à Ceuta et Mellila sont rejetées (contre 50 % en moyenne), les Marocains constituent néanmoins la communauté étrangère la plus nombreuse d’Espagne. Les autorités marocaines déplorent cette situation, alors qu’il existe une pénurie sectorielle d’emplois (127 000 postes non pourvus en 2001). Le gouvernement espagnol privilégie l’installation de travailleurs d’Amérique latine et de Pologne, notamment pour les récoltes en Andalousie.

    Mais le différentiel de croissance, de richesse et de démographie est tel entre les deux rives de la Méditerranée que la pression ne se relâche pas. L’opulente Costa del Sol fait face à la désespérance du Rif, comme l’atteste l’état d’abandon de la région de Kettama livrée à la monoculture du cannabis. En 2000 ont éclaté les émeutes d’El Ejido, petite ville andalouse où se sont déroulées de véritables chasses à l’homme contre les « Moros ». Lorsqu’ils ont assisté à ces scènes de violence à la télévision et qu’ils ont vu les ouvriers agricoles interviewés, nombre de Marocains ont réalisé la présence de leurs compatriotes outre-mer. Dans les semaines qui ont suivi, les files d’attente devant le consulat espagnol de Rabat se sont allongées comme jamais...

    L’Union européenne aide financièrement l’Espagne pour faire face à cet afflux et garder les frontières de Schengen. Lorsqu’elles appréhendent des clandestins, les autorités espagnoles les remettent au Maroc, dont elles exigent en contrepartie 300 euros par migrant interpellé. Cette situation ulcère le Maroc, qui proteste de sa bonne volonté et de sa coopération, et déplore l’absence d’aide européenne.

    Avec trois années de sécheresse (1998-2001), l’économie marocaine a traversé une passe très difficile. Près de 20 % de la population vit sous le seuil de pauvreté absolue (moins de 1 dollar par jour). Or, d’après les statistiques espagnoles, 70 % des clandestins appréhendés sont chômeurs. Il faut néanmoins relever une frange de diplômés (avocats, médecins...) qui, après avoir épuisé toutes les démarches légales pour émigrer, s’en remettent au sort de la traversée.

    Un rescapé a déclaré en 2001 à l’hebdomadaire Demain  : « Ecoutez, ce détroit est celui de la dernière chance. C’est la dernière frontière entre l’enfer et un monde prétendument meilleur. Ceux qui tentent de franchir cette limite savent à quoi s’attendre. C’est un jeu. Un jeu de la vie et de la mort. » Et l’un des enquêtés de l’AFVIC de compléter : « J’ai tenté les pateras trois fois, une arrestation et deux naufrages, dont six morts, et j’essaierai encore. Si je meurs, je serai un martyr économique ! Tout cela, je le fais pour ma famille. »

    Face à cette désespérance, il ne fait aucun doute que l’émigration clandestine est une soupape de sûreté pour le Maroc. L’exil est une manière de renoncer à lutter sur place. Il libère des places dans le circuit économique (baisse du chômage officiel en 2001) et suscite l’espoir de ceux qui restent. Mais, en dehors de ces aspects économiques, la question de l’émigration clandestine renvoie à la crise du nationalisme, voire à l’échec du projet national que les Etats du Maghreb ont forgé à l’indépendance. Il s’agit là d’une crise morale plus encore que politique.

    Jusqu’aux années 1980, la population du Maghreb vivait dans une relative autarcie. La masse paysanne hors du temps demeurait à l’abri des contacts avec le monde. La radio et la télévision nationales entretenaient la fibre patriotique à l’écart du modèle consumériste européen. En dehors des élites et des émigrés, les voyages étaient peu nombreux, et le contact avec les étrangers volontairement limité. Hassan II prit soin, après une tentative d’ouverture au tourisme dans les années 1970, de limiter le nombre de touristes à 1 million d’Européens par an.

    Plus de cent mille départs par an...

    L’irruption de la parabole au Maghreb à la fin des années 1980 a été une rupture majeure dans la représentation du monde par les Maghrébins. Alors que les Tunisiens se mettent à apprendre l’italien grâce à la radio-télévision italienne (RAI) et que les Algériens suivent les actualités françaises, les Marocains s’ouvrent peu à peu à de nouveaux horizons. L’Occident fabriqué de la télévision se donne à voir (lire « Loft Story » vu de Casablanca). Le succès inouï de la télévision par satellite en Algérie, et plus encore au Maroc, dans les années 1990, donne la mesure du changement.

    Puis les bouquets satellitaires européens débarquent à la fin de la décennie, déversant sur des populations entières un flot d’images, notamment pornographiques. Les chaînes spécialisées ne s’y trompent pas, qui adressent en boucle des messages à leurs auditeurs arabophones. La lourde pression sociale qui s’exerce sur les jeunes Marocains et la quasi-impossibilité, pour le plus grand nombre, de se marier avant 30 ou 35 ans pour des raisons économiques rencontrent là un océan de désir.

    Les chaînes nationales diffusent par ailleurs des success stories d’émigrés ayant réussi une ascension sociale étonnante (Jamel Debbouze, un entrepreneur aux Pays-Bas, la chanteuse Nadia Farès et tel sportif, par exemple Zinedine Zidane). Avec le retour annuel des émigrés au pays (1,5 million de personnes l’été 2001) dotés de multiples biens de consommation, notamment de rutilants véhicules inaccessibles, on comprend que l’Europe apparaisse comme un eldorado dont il faut forcer la porte.

    Le Maghreb apparaît d’une certaine manière comme le Mexique de l’Union européenne. En 2001, ce pays comptait 100 millions d’habitants, mais près de 35 autres millions résident aux Etats-Unis (dont une dizaine de millions de clandestins, à raison d’un nouveau million chaque année). A ce jour, le Maghreb compte 70 millions d’habitants, et il est probable que 10 à 15 millions de Maghrébins séjournent en Europe. Le ratio pour le Maroc serait de 30 millions d’habitants pour 5 à 7 millions de résidents à l’étranger (100 000 à 200 000 départs par an nourrissent ce flux). Le mouvement d’exil n’est pas près de s’éteindre, sauf à entreprendre une lutte à la base contre cette nouvelle traite qui ne dit pas son nom.

    « La lutte contre l’immigration clandestine ne doit pas se faire sur les frontières, mais dans les lieux et les pensées des immigrants clandestins ; elle doit s’opérer dans le cadre de la coopération Nord-Sud basée sur un dialogue équilibré, et non pas reposer sur un monologue du Nord. Il faut une politique et non une police d’immigration. Le Sud ne doit pas être contraint à la mendicité », avertit M. Khalil Jemmah, président de l’AFVIC.

    Pierre Vermeren.

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  •  1ère Apparition de l'Afvic dans la presse nationale 

    Création de l’Association des Amis et Familles des Victimes                         
    de l’Immigration Clandestine (AFVIC)
    La sonnette d’alarme

    C’est à Khouribga, principale ville d’une région émettrice d’immigrés
    clandestins par excellence, que les familles éplorées ont décidé de créer
    une association pour se battre contre ce fléau.

    Par Abdallah Ben Ali

     

     • Khalil Jemmah.

     

    Mieux vaut tard que jamais. Telle semble être la conviction animant les promoteurs de l’idée de la création d’une Association des Amis et Familles des Victimes de l’Immigration Clandestine (AFVIC) qui vient de voir le jour à Khouribga le 02 août 2001. Le choix de cette date n’a rien du hasard. Car, ce jour coïncide avec le second anniversaire de la découverte, dans le train d’atterrissage d’un avion à l’aéroport de Bruxelles, des cadavres des deux adolescents guinéens, Yaguine Koïta et Fodé Tounkara qui, au péril de leur vie, tentaient de gagner l’Eldorado européen.
    “La mort tragique de ces jeunes gens, qui fut d’ailleurs très médiatisée, était, à nos yeux, symptomatique des pires affres de l’immigration clandestine" explique Khalil Jemmah, figure de proue des fondateurs de l’AFVIC. Avant de décliner les motivations de ceux-ci: "les membres de l’association, originaires, pour la plupart, de Khouribga ou il y a une forte concentration de candidats potentiels à l’immigration clandestine, ont été, tous, éplorés, durant les dernières années, par la perte d’un proche parent ou d’un ami" au cours d’une tentative désespérée d’atteindre l’autre rive de la Méditerranée.

    Efforts

    Il est évident que l’AFVIC n’aura point la possibilité de venir à bout de l’attrait exercé par le Vieux Continent sur une jeunesse marocaine, souvent désœuvrée, qui trouve, en dernière analyse, son origine dans l’écart abyssal entre les niveaux de vie ici et là-bas et dont la réduction est tributaire d’un effort volontariste des officiels des deux bords. D’autant que les velléités exprimées en ce sens restent sans résultat. Mais ses membres estiment, à juste raison, que face au drame, il n’est pas possible de rester les bras croisés.
    A s’en tenir aux plus récentes statistiques, la ruée des "sudistes" sur les rivages de l’Europe, notamment ceux de l’Espagne, va crescendo. Ainsi, pour les six premiers mois de l’année en cours, le nombre d’immigrants clandestins arrêtés par les autorités espagnoles a dépassé 2200 immigrants clandestins contre 1027 pour la même période de l’année dernière. Le nombre des passeurs arrêtés durant l’année en cours atteint déjà 130 personnes alors qu’on’en avait intercepté toute l’année dernière que 195. Révélatrice également de cette fièvre suicidaire, la découverte, il y a vingt jours sur le littoral de Tarifa de six cadavres et l’interception simultanée de 300 jeunes, majoritairement marocains, désireux d’entrer illégalement dans la péninsule ibérique.

    Initiative

    Pourtant, même s’ils semblent conscients des limites de leur démarche, les fondateurs de l’AFVIC n’en restent pas moins convaincus du bien-fondé de celle-là.
    Ils entendent agir sur deux registres: décourager les candidats potentiels à l’immigration clandestine et dissuader les passeurs. A cet effet, l’Association,qui prévoit la mise en place de trois centres d’écoute à Tanger, Tétouan et à Khouribga, va “sensibiliser les jeunes sur les dangers de l’immigration clandestine et se constituer partie civile pour poursuivre judiciairement toute personne impliquée dans l’encouragement de l’immigration clandestine", indique M. Jemmah qui table sur un budget prévisionnel de 5 millions DH pour l’exercice 2001-2002.
    A l’en croire, cette enveloppe sera, en grande partie, mobilisée grâce au concours financier de l’Union européenne qui se serait montrée “très intéressée à l’initiative".
    Cet intérêt s’explique, entre autres, par la volonté déclarée des promoteurs de l’AFVIC "d’encourager le retour et l’insertion des immigrants clandestins dans la vie active dans leur pays".


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